29

Katy effectuait plus distraitement son travail depuis que son époux était parti à l'aventure avec Terra et Galahad. Elle ne l'aurait jamais cru capable de tout abandonner pour suivre un idéal. Il était si attaché à sa famille et à son travail. Pourtant, d'un seul coup, il avait tout mis sur la glace pour traquer un sorcier ! La boulangère pétrissait la pâte depuis un moment lorsque, du coin de l'œil, elle vit passer un homme dans la rue. Un cri d'alarme retentit dans son esprit. Elle laissa tomber sa tâche et se précipita à la fenêtre. L'inconnu portait une longue cape grise avec un capuchon, ce qui n'était pas vraiment inhabituel dans la cité médiévale, mais sa démarche n'était pas normale.

Katy s'empara de son appareil photo, demeuré en permanence sur le comptoir depuis le début des étranges événements, et s'élança dans la ruelle par la porte de l'arrière-boutique. Courant de toutes ses forces, elle arriva derrière l'imprimerie et grimpa l'escalier qui menait au premier étage. Elle s'écrasa sur le sol et glissa l'objectif de la caméra entre les balustres, le pointant vers la rue. L'étranger était justement en vue. Utilisant le zoom, Katy prit une foule de clichés, jusqu'à ce que le suspect ait dépassé son perchoir. Le cœur battant, elle s'assit et regarda ses photos. « C'est Medrawt ! » découvrit-elle.

Elle retourna prestement à son commerce et sauta sur le téléphone pour prévenir Fred, Karen, Frank, Julie et Chance. Les quatre premiers arrivèrent chez elle alors qu'elle parlait encore à l'épouse du chevalier Galahad.

— Surtout, ne le suivez pas, recommanda Chance.

— Il sait certainement quelque chose au sujet de l'enlèvement dAymeric ! protesta Katy.

— Et il a tenté de tuer mon mari. C'est un homme dangereux. Appelez plutôt la police.

— L'inspecteur Cyr n'est pas un magicien !

— Mais il est mieux armé que vous pour l'appréhender.

— Tout le monde vient d'arriver. Il faut que je te laisse.

— Ne jouez pas aux héros, Katy.

La jeune femme raccrocha en déplorant que son amie soit devenue si peureuse. Lorsque les autres voulurent savoir si Chance se joindrait à eux, Katy répondit qu'elle était trop occupée plutôt que de leur dire qu'elle était terrifiée.

— Où Medrawt est-il allé ? s'enquit alors Fred.

— Il a suivi la rue principale jusqu'à l'écurie, et il a piqué vers l’est par la rue des Cigales, répondit Katy en leur montrant ses photos.

— Ouais, c'est bien lui.

— Il faut le capturer et lui faire avouer où Aymeric est retenu, les pressa Julie.

Ils empruntèrent les ruelles pour gagner du temps et coururent à en perdre haleine jusqu'à l'intersection où la pâtissière l'avait vu tourner. Au bout de cette rue, qui traversait toute la cité, ils aperçurent au loin la silhouette de l'homme au capuchon qui venait de franchir la grille qui donnait accès au cimetière. Les filles ralentirent le pas.

— Ce n'est pas une bonne idée d'entrer là-dedans, gémit Karen.

— Medrawt est mort depuis un an, leur rappela Frank.

— Et puis les cimetières ne sont dangereux que dans les films ! renchérit Fred. Ce sont les endroits les plus paisibles au monde.

— Je commence à être d'accord avec Chance, déclara Katy. Appelons la police.

— Le temps qu'elle arrive, nous aurons perdu Medrawt de vue, protesta Fred.

— Si vous ne voulez pas nous suivre, restez ici, recommanda Frank.

Laissant les femmes derrière eux, les deux hommes s'empressèrent de poursuivre l'alchimiste en restant sous le couvert des grands arbres qu'on avait laissés intacts entre les tombes. Cachés derrière les troncs, ils épiaient Medrawt et le suivaient en silence, s'attendant à ce qu'il pénètre d'un instant à l'autre dans une fosse. Mais le mystérieux personnage continuait à avancer. Il avait presque franchi tout le cimetière.

— Pourquoi ne s'arrête-t-il pas ? siffla Fred entre ses dents.

— Peut-être essaie-t-il de se rendre à l'un des caers à l’est de la cité.

— On devrait l'interpeller et exiger qu'il nous donne des réponses.

— Tu tiens vraiment à être empoisonné comme Galahad ?

— Tu es un prêtre, non ? Que pourrait-il te faire ?

— Le Mal s'attaque même aux serviteurs de Dieu, Fred.

Medrawt accéléra soudain le pas, comme s'il avait découvert qu'il était suivi.

— Nous allons le perdre, s'alarma Fred.

Ils foncèrent vers les arbres suivants, mais durent s'arrêter net lorsqu'ils arrivèrent nez à nez avec un énorme loup noir.

— Il est beaucoup trop gros pour être normal, chuchota Fred.

— Ne bouge surtout pas, lui recommanda son ami. Il ne fait probablement que passer par ici.

— Ou il déterre les morts.

L'animal se mit à gronder en montrant ses crocs.

— As-tu quelque chose sur toi pour te défendre ? demanda Frank.

— J'ai seulement des pics de guitare. Toi, as-tu de l'eau bénite ?

— Très drôle. Reculons doucement, sans faire de mouvements brusques. Je suis certain que tout ce qu'il veut, c'est que nous le laissions tranquille.

Ils firent quelques pas vers l'arrière. Le loup se mit aussitôt à pousser des hurlements aigus. La terreur s'installa dans le cœur des deux hommes lorsque plusieurs de ses congénères y répondirent.

— Ils sont à la chasse, comprit Fred.

— Les loups n'ont jamais mangé personne à Little Rock.

— Déguerpissons avant que le reste de la meute n'arrive.

Les deux hommes tournèrent les talons et détalèrent en même temps. Ils coururent entre les pierres tombales et les mausolées sans regarder derrière eux, mais durent s'arrêter quelques minutes plus tard, lorsque deux autres carnivores leur barrèrent la route.

— Ce ne sont pas des loups, ce sont des démons ! s'exclama Fred. Fais-les reculer !

— Au nom de Dieu, des anges et de tous les saints, je vous ordonne de nous laisser passer !

Les exhortations des humains semblèrent exciter davantage les bêtes sauvages, qui se rapprochèrent en s'écrasant sur leurs pattes de façon menaçante. Fred tourna la tête et vit que le premier loup les avait rattrapés.

— Ils ne grimpent pas aux arbres ! se rappela Fred.

Il saisit Frank par la manche et le tira doucement en direction d'un chêne à quelques pas d'eux. Les grondements redoublèrent d'intensité, comme si les carnassiers avaient deviné leurs intentions. Les proies reculèrent jusqu'à ce que leurs dos soient appuyés sur le tronc.

— Monte le premier, ordonna Fred.

— Je ne suis pas aussi doué que toi pour ce genre d'exercices.

— C'est pour cette raison que tu dois passer le premier.

Frank jeta un coup d'œil vers le haut. Les premières branches étaient suffisamment basses pour qu'il s'y agrippe en sautant. Il craignait cependant que son geste ne déclenche l'attaque des loups et que son ami d'enfance ne soit déchiqueté en mille morceaux sous ses yeux.

— Dépêche-toi, Frank !

Le jeune pasteur prit une profonde inspiration, bondit et s'accrocha à la ramification la plus rapprochée. Il fut alors aveuglé par un éclat de lumière immaculé.

— Fred ! hurla-t-il.

Lorsque le phénomène prit fin, des larmes coulaient à grands flots de ses yeux meurtris, et il ne distinguait plus que des contours incertains des monuments qui l'entouraient.

— Fred, où es-tu ?

— Descends tout de suite !

Frank se laissa tomber sur le sol. Il allait ouvrir la bouche pour questionner son ami quand ce dernier lui prit solidement la main et l'entraîna au pas de course vers la sortie.

Katy, Karen et Julie sentirent le sang se glacer dans leurs veines lorsqu'elles virent Fred et Frank débouler devant elles dans l'allée principale du cimetière, comme si un fantôme était à leur trousse. Avant que ceux-ci n'atteignent la grille, elles avaient déjà commencé à courir en direction de la cité. Tout le groupe ne s'arrêta qu'une fois rendu au puits, en plein centre de Nouvelle-Camelot. Haletants et tremblants de peur, ils mirent de longues minutes avant de pouvoir s'adresser la parole.

— Que s'est-il passé ? demanda finalement Karen. Qu'avez-vous vu ?

— Nous ne savons pas où est allé Medrawt, articula Fred avec difficulté.

— Ce n'est donc pas lui qui vous a fait prendre vos jambes à votre cou.

— Non, affirma Frank en secouant vivement la tête.

— Alors qui est-ce ? explosa Katy.

— Des loups… d'énormes loups.

— Et la foudre aussi, ajouta Fred.

Julie leva la tête vers le ciel, dans lequel il n'y avait pas un seul nuage.

— Je ne vois pas comment c'est possible, se troubla-t-elle.

Les passants commençaient à ralentir en observant ces jeunes adultes pliés en deux qui soufflaient comme des locomotives.

— Allons à l'église, suggéra Frank, avant que naissent des rumeurs.

Ils s'aidèrent mutuellement à marcher jusqu'au vieux bâtiment et se laissèrent tomber sur les bancs de bois.

— Comment la foudre peut-elle être tombée dans le cimetière sans que Katy, Karen et moi n'ayons vu le moindre signe d'un orage à l'horizon ? les questionna Julie.

— Est-ce que je sais, moi ? explosa Fred. Un éclair a frappé l'arbre où nous voulions grimper pour échapper aux loups. Ils ont pris la fuite, et nous en avons profité pour faire la même chose.

— C'était peut-être une intervention divine, suggéra Frank.

— On recommence du début, d'accord ? intervint Karen. Vous avez suivi Medrawt. Il vous a échappé et des loups vous ont cernés.

— C'est exactement ce qui s'est passé, affirma Fred.

— Au moment où vous tentiez de leur échapper, vous avez reçu une aide miraculeuse.

Les deux hommes acquiescèrent d'un mouvement de la tête.

— À mon avis, poursuivit Karen, Medrawt est de mèche avec le sorcier, car Terra nous a déjà dit que les loups étaient ses serviteurs. Ils ont tenté de vous dissuader de filer l'alchimiste.

— Ils sont plutôt convaincants, en effet, soupira son époux.

— Réjouissons-nous, car c'est certainement un allié qui a utilisé la foudre pour éloigner les prédateurs. Si cette magie avait émané du sorcier, vous seriez morts tous les deux.

— Le magicien ? firent en chœur les autres membres de la bande.

— N'est-il pas parti avec Terra et Marco pour retrouver Aymeric ? demanda Julie.

— C'est ce que m'a dit Marco, affirma Katy.

— Cela ne veut dire qu'une chose, trancha Karen. Nous avons un nouvel ami.

Capitaine Wilder
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